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Projet de loi 96 sur la langue française: quels changements pour les personnes immigrantes ?



Pour renforcer la langue française au quotidien, le gouvernement de François Legault compte réformer la Loi 101. Le projet de loi 96 risque de changer de nombreuses sphères de la société, du travail aux études, en passant par les commerces. Qu’implique-t-il exactement pour les personnes immigrantes ?

Faire du français la seule langue officielle et commune de la nation québécoise. C’est l’idée derrière le projet de loi 96, déposé à l’Assemblée nationale le 13 mai 2021. La Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, est une réforme à la célèbre Loi 101 adoptée en 1977.

Pour le gouvernement de François Legault, le texte est un « rempart » pour protéger le français. Il s’avère en effet que son usage soit en recul depuis quelques années, surtout à Montréal. Dans la métropole, on s’inquiète de la nécessité croissante de parler anglais, du recours de plus en plus systématique au « Bonjour-Hi » dans les commerces aussi et de la francisation des nouveaux arrivants.

François Legault voit dans cette loi un moyen de renforcer l’idée de nation québécoise : il compte ajouter à la Loi constitutionnelle canadienne que « les Québécoises et Québécois forment une nation » et que « le français est la seule langue officielle du Québec » et la « langue commune de la nation québécoise ». Une mise à jour légale à laquelle le Premier ministre canadien Justin Trudeau ne s’oppose pas pour l’instant :

« Nous allons évidemment nous assurer qu’on est en train de respecter les protections qui sont là ailleurs dans la Constitution, particulièrement pour les anglophones au Québec. Mais je crois qu’il y a beaucoup de travail que nous allons pouvoir faire ensemble », a déclaré Justin Trudeau en conférence de presse le 18 mai.

Sans oublier que le Premier ministre québécois François Legault a émis l’idée d’utiliser la clause dérogatoire (déjà invoquée pour la Loi sur la laïcité de l’État), qui permet d’outrepasser la Charte canadienne des droits.

Mais que risque de changer cette loi, si elle est adoptée, dans la vie des personnes immigrantes ?


Dans les services de l’État

Communiquer avec l’assurance-maladie ou le bureau d’un ministère ne pourra se faire qu’en français si la loi est adoptée. Les personnes immigrantes arrivées il y a moins de six mois, ainsi que les anglophones et les autochtones, auront droit à une exception et pourront demander un service dans une autre langue.

Le texte de loi indique qu’une autre langue peut être utilisée en cas de nécessité pour la santé ou la sécurité publique, mais aussi en cas de service touristique ou à l’extérieur du Québec.

Le gouvernement entend par là rendre ses services exemplaires en termes d’utilisation du français.


La francisation repensée

Les services de francisation du gouvernement sont eux aussi touchés par ce projet de loi. Apprendre le français deviendra un droit pour toute personne résidant au Québec.

La structure Francisation Québec sera créée. Elle relèvera du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), et sera pensée comme un guichet unique pour apprendre le français. Des bureaux devraient être installés partout au Québec.

C’est cette unité qui servira à développer et coordonner l’apprentissage du français en classe, au travail, dans les cégeps, les universités et en ligne.

Étant donné la volonté de rendre le monde du travail francophone, le gouvernement propose d’offrir des cours à ceux qui ne peuvent pas communiquer en français. Car il n’y a pas que les personnes immigrantes qui ont besoin des cours de francisation. Le Québec accueille de nombreux Canadiens anglophones, par exemple.


En milieu de travail

Actuellement, la Loi 101 oblige les entreprises de plus de 50 employés à se doter d’un programme de francisation. Elles doivent aussi prouver que la langue de travail est le français. Avec le projet de loi 96, les entreprises de 25 à 49 employés seront, elles aussi, concernées par ces obligations.

De même que les entreprises sous juridiction fédérales, mais, sur ce point, la capacité du Québec à légiférer reste encore incertaine. Cela concernerait par exemple, les transporteurs aériens, les banques, le transport maritime, ou les médias.

Par ailleurs, il sera interdit d’exiger la connaissance d’une autre langue que le français pour embaucher un candidat ou garder un employé. La connaissance ou non d’autres langues ne sera pas discriminatoire. Le texte de loi précise une exception, dans le cas où l’employeur prouve que « l’accomplissement de la tâche nécessite une telle connaissance » et qu’il a « pris tous les moyens raisonnables pour éviter d’imposer une telle exigence ».


Dans l’enseignement

Les écoles anglaises seront réservées aux anglophones.

Quant aux cégeps anglophones, ils seront contingentés à 17,5 % des places disponibles dans tous les établissements (anglophones et francophones du Québec). L’étudiant pourra recevoir son diplôme s’il réussit un test de français. La priorité sera donnée à ceux qui ont suivi toute leur scolarité en anglais, qui ne seront pas tenus de réaliser ce test de français. Aussi, les programmes en anglais des cégeps francophones seront eux aussi limités.

Concernant les universités, les étudiants francophones des autres provinces canadiennes pourront payer les mêmes frais universitaires que les Québécois. Le programme doit être offert en français et ne pas être offert dans la province d’origine de l’étudiant.


Les autres points du projet de loi 96

  • L’Office québécois la langue française (OQLF) est renforcé pour protéger le français et contrôler son utilisation.

  • Dans les commerces, le service doit obligatoirement s’offrir en français. Les clients et utilisateurs peuvent porter plainte à l’OQLF.

  • Les villes dont la population compte plus de 50 % d’anglophones pourront garder le statut de ville bilingue, pas les autres, qui devront se soumettre aux réglementations de la loi.


Quelques chiffres

Le Québec compte 8 % d’anglophones et 14 % d’allophones, selon les derniers chiffres de l’OQLF d’après le recensement de 2016.

Selon ces mêmes données, le recul du français existe, mais reste léger :

  • 80 % des résidents du Québec utilisaient plus souvent le français au travail. Ce chiffre tombe à 53 % à Montréal.

  • Ils sont 14 % à recourir au français et à l’anglais (contre 10 % en 2011).

  • Environ 70 % des immigrants ont une langue maternelle autre que les deux langues nationales du Canada.

  • 33 % des personnes immigrées parlent le français à la maison.

Plus de 93 % peuvent soutenir une conversation en anglais ou en français.

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